VAHINES, COCOTIERS, MTT !
Située en plein coeur du Pacifique à quelques 17.000 kms de Paris, l'île de Tahiti, la plus peuplée est aussi la plus connue de toute la Polynésie Française. Un nom enchanteur aux accents exotiques qui promet luxuriance, langueur et dépaysement. Tahiti permet bien sûr un cocktail de ces différents aspects, mais c'est sans compter avec ses talents cachés : innombrables cascades plongeant dans un écrin de verdure et surprenantes montagnes s'élevant en arêtes effilées ...
Le projet
"Aventure
sur une roue" avait pour cadre ce splendide panorama.
Mais tout a
commencé
en décembre 1989, le Père Noël ayant
malicieusement
placé sous le sapin un ... monocycle ! Curieux cadeau,
direz-vous
! Mais quand on connaît Thierry Bouché, cela n'a
rien
d'étonnant, habitué qu'il est à pratiquer aussi
bien
ski de fond, roller skate, escalade ou encore cyclisme. Alors le
monocycle
, pourquoi pas ? Le Père Noël ne s'était pas
trompé
: les progrès rapides dans la pratique de cet engin permirent
d'envisager
de l'utiliser autrement, à des fins aussi insolites
qu'engageantes
: en tout-terrain.
Ainsi était né le MTT. Chemins bosselés, pentes herbeuses, pistes enneigées, sentiers boueux : tout y passe ! Le monocycle, libéré des arênes du cirque, se prête à toutes les excentricités. Il va ainsi subir quelques adaptations qui permettront la solidité requise pour son utilisation en terrain naturel, même dans des conditions extrêmes. Fin prêt, c'est le grand départ pour Tahiti en juin 1990 pour la concrétisation du projet en 3 volets :
* descente
depuis
le sommet du "Mont Aoraï" (2066 mètres d'altitude),
*
traversée
de l'île en son coeur soit 40 kms de piste dans la journée,
* tour de
l'île
en 115 kms en moins de 24 heures.
Projets qui
poursuivent
des but différents : d'une part, prouver que le MTT se
prête
à tous les terrains même difficiles, qu'il constitue un
moyen
de déplacement agréable sur sentiers de randonnée,
et qu'il peut même prétendre à une utilisation plus
"urbaine".
Les choses sérieuses commencent ...
Tahiti se
trouvant
aux antipodes de Paris, il faut, pour s'y rendre, d'abord affronter les
21
heures de trajet en avion.
Les tout premiers
jours sont consacrés à la familiarisation avec
l'environnement
(taux
d'humidité de l'air, durée plus courte des jours,
paysages
nouveaux, alimentation différente, jusqu'au décalage
horaire
: 12 heures, à "digérer").
Ensuite,
l'entrainement
commence, en vue d'être physiquement le mieux
préparé
possible lors des réalisations elles-mêmes.
La première
approche du milieu montagnard a lieu au "Mont Marau", haut de
1500
mètres, ce qui constitue déjà une bonne mise en
jambes
et permet surtout d'observer de plus près le "Mont Aoraï"
qui
sera l'objectif quelques jours plus tard. La descente s'effectue sans
problème
sur la piste tracée pour accéder au relais TV dont
l'antenne
se trouve au sommet. La vue tout le long est superbe et permet
d'admirer
aussi bien la ville de Papeete avec son port et au loin
l'île
de Mooréa, soeur jumelle de Tahiti, que le coeur de
l'île
et ses gracieuses montagnes telles le "Diadème".
C'est avec la 2ème sortie que les choses sérieuses commencent. Tout d'abord, il faut se rendre à l'évidence : impossible d'aller se promener n'importe où n'importe quand. Tout ou presque à Tahiti est propriété privée, il faut s'enquérir d'une autorisation de passage auprès du propriétaire. Bien souvent il ne s'agit que d'une simple formalité (demande effectuée par téléphone) mais obligatoire. D'autre part, étant donné la situation géographique de Tahiti sous l'Equateur, l'île possède un climat tropical avec un taux d'humidité de l'air de 60 % sur la côte et atteignant 100 % en montagne. Inutile de s'étonner donc, du fait qu'entre les altitudes 600 et 1600 mètres, la présence de nuages soit constante ainsi que celle d'une pluie chaude et légère. Ceci explique également la pousse d'une végétation aussi dense empêchant souvent toute progression en dehors des chemins.
Ainsi la sortie
des
"mille
sources" n'aura pas laissé un souvenir impérissable
n'ayant
non seulement pas permis d'admirer la vue magnifique
qu'annonçait
le guide des randonnées, non plus d'apercevoir une seule des
sources
à travers l'épais brouillard. Cette balade constituait
par
contre un bon entrainement par conditions difficiles.
Concrétisation d'un projet :
Puis vînt le jour de la 1ère réalisation, destination : sommet de l'Aoraï. Il faut dire qu'habituellement cette course s'effectue en 2 jours : montée au refuge de "Fare Ata" situé à 1800 mètres d'altitude, puis au sommet le lendemain et redescente jusqu'à la côte. Mais une fois n'est pas coutume, aussi l'accomplirons-nous en une seule journée. Le départ, tôt le matin, est un régal pour les yeux : traverser Papeete lorsqu'elle est encore déserte, voir le levant s'étirer et pouvoir progresser le plus possible avant que les nuages ne nous rejoignent... Au sommet, contente pour ma part d'être parvenu là, même couverte de boue, pour Thierry le plus important restait à accomplir : la descente à MTT !
Le MTT est l'engin passe-partout par excellence : avantagé par son poids (moins de 5kg) et son faible encombrement (attaché sur le sac à dos lors des montées), il se faufile entre les cailloux, se fraye un chemin parmi les buissons et n'a rien à envier à ses cousins à 2 roues !
Pour la traversée de l'île une semaine plus tard ce fut "une autre paire de manches". L'objectif de départ était une réalisation en 2 jours avec bivouac au coeur de l'île. C'est un raid d'une quarantaine de kilomètres qui consiste en une montée au "Col d'Urufau" à 1.000 mètres d'altitude puis en une longue descente dans la vallée de la rivière "Papenoo". Mais une "saignée" à travers l'île permet maintenant aux camions-bennes et autres pelleteuses d'engager de grands travaux d'électrification, alors que jusqu'à présent aucune piste ne permettait de traverser l'île. Ces travaux, de grande ampleur, ont quelque peu abîmé l'environnement. Moins présents que dans nos contrées, les écologistes ont quand même obtenu l'ouverture du 1er parc naturel de Tahiti "Te Faaiti" inauguré ce printemps : 750 hectares nichés en pleine verdure à 700 mètres d'altitude !
La piste ainsi tracée est d'orres et déjà empruntée par quelques 4x4 aventureux. Elle va finalement permettre la réalisation du 2ème volet de notre projet en un jour seulement. Pas de problème majeur durant cette traversée si ce n'est la rencontre brutale d'abord, puis répétitive, tout au long du dernier tiers du parcours, avec la "Papenoo". En effet il s'agit de croiser le lit de la rivière d'innombrables fois. Marcher les pieds mouillés, cela n'a rien de réjouissant, et n'arrange pas la formation "d'ampoules", mais tout est oublié lorsque l'on arrive à la tombée du jour sur la plage de la côte Ouest après une journée de quasi solitude. L'on comprend mieux d'ailleurs l'enchantement de personnages qui, comme Pierre Loti, appréciaient de Tahiti, la vie proche de la nature, les heures passées dans la fraicheur des cascades...
Le dernier
volet
du projet relevait moins de l'aventure que de la performance
sportive,
puisqu'il s'agissait, toujours en l'espace d'une journée,
d'accomplir
le tour de l'île, cette fois par la route de ceinture. Cette
réalisation
permettait en outre de médiatiser l'ensemble du projet. Le
départ
fut donné à 0 heure de la Place de la Cathédrale
au
centre de Papeete (point kilométrique zéro).
L'arrivée,
17 heures plus tard au même endroit a été
saluée
par l'ensemble des médias (presse, TV, radio). Le but
n'était
pas de battre un record de vitesse ou de distance, mais ces 115 kms
(parcourus
pour la moitié de nuit) étaient le moyen de montrer que le
monocycle peut être enfin pris au sérieux.
Le mythe Tahiti
Tahiti, ça n'est pas forcément ce que l'on croit. Qui imagine en effet que l'île est recouverte aux 3/4 par des montagnes aux pentes souvent raides et difficiles d'accès ?
On peut d'ailleurs rendre hommage aux premiers montagnards tahitiens, les "pi'imatos", qui vivaient à l'époque des "Maohis". Ils étaient spécialement entrainés depuis leur enfance pour enterrer les morts célèbres ou leur crâne dans des lieux secrets et hauts perchés. Des ossements ainsi qu'une enceinte sacrée ont ainsi été découverts par Maurice Jay en 1953 qui, parvenu au sommet du "Mont Orohena" (point culminant de l'île), croyait en avoir fait la 1ère ascension !
Pour ce qui est des clichés cartes postales, d'autres îles polynésiennes semblent plus appropriées. Mais Tahiti n'est pas pour autant dénuée de charme...
Les traditions d'accueil sont par exemple encore très présentes. Ainsi on accueille un proche de retour de voyage ou d'une longue absence avec des colliers de fleurs et on le quitte, dans les larmes, avec des colliers de coquillages (souvenir durable). Quant aux gracieuses vahinés, elles réapparaissent au moment des festivités du "Tiurai" en juillet dans des danses traditionnelles comme le célèbre "Tamuré".
Tahiti possède également une faune sous-marine ainsi qu'une flore terrestre particulièrement riches en couleurs.
Même la
langue tahitienne contribue au charme de ce pays : les "R"
qui
roulent et les voyelles qui chantent font état d'une
certaine
nonchalance (le "fiu") reflétant la physionomie de ses
habitants
et leurs agissements.
La roue tourne pour le MTT
Malgré
l'absence
de soutien financier pour ce projet, l'issue en fut heureuse, ayant
été
réalisé dans son intégralité et ayant
obtenu
l'écho médiatique pressenti.
Le 2ème
projet
ne s'est pas fait attendre, en métropole cette fois, puisque
Thierry a accompli le 6 octobre 1990 un record du monde de
dénivelé
à MTT en enchainant les descentes de 3 sommets de la
région
grenobloise qui l'ont conduit en 12 heures de la Croix de Chamrouse
(Belledonne),
à Voiron en passant par le Moucherotte (Vercors) et la Grande
Sure
(Chartreuse) totalisant 5300 mètres de dénivelé.
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Texte : Cathy PERRIN - (Octobre 1990)
© 1990 Bouché-Perrin