... Nous
sommes
bien dans le domaine du vide et une chute ne nous laisserait aucune
chance...
... Finalement
c'est de l'escalade à l'envers...
Lever à 2h30 du matin, après une petite heure de transport, nous arrivons au Col des Faïsses (alt. 1699 m), point de départ classique pour l’Obiou. La montée nocturne, dans des conditions de fraîcheur relative est bien agréable en cette période de forte chaleur. La lune, éclairant le versant sud, ne nous tient guère compagnie sur ce chemin qui aborde en face nord le col qui conduit au Petit Obiou. Le ciel encre, rend la dernière partie du col très austère. Le terrain est abrupt, rocailleux et instable. On devine la présence du «grand» Obiou, juste derrière nous, fier et imperturbable. Le jour se lève doucement lorsque nous atteignons le col.
La suite de la montée est superbe : elle permet de rejoindre progressivement le sommet en le contournant par son versant sud avec quelques petites traversées descendantes. C’est cette portion de la montagne, la plus vertigineuse, la plus esthétique que nous avons choisie pour ouvrir un itinéraire en MTT sur l’Obiou : plus de 300 mètres de dénivelé absolument splendides… mais ô combien déraisonnables ! Nos esprits jonglent à la limite du doute. Il est important, comme en ski de pente raide, d’analyser le terrain dès la montée : le "mtétiste" imagine alors le meilleur passage, le plus efficace. C’est aussi un moment important pour détecter les endroits "à risque" : un bloc en équilibre, une prise de main fragile pouvant se révéler dangereuse en cas d’utilisation, évaluer la stabilité des pierriers, etc. C’est ainsi que la montée à pied en suivant l'itinéraire retenu, permet d’en faire sa lecture. Les marques de peinture rouge sur la roche permettent de suivre facilement l’itinéraire qui peu à peu se raplanit avant d’atteindre le point culminant du Dévoluy. Le soleil nous a attendus avant de pointer son nez à l’horizon. Les sommets des Ecrins s’illuminent… La suite est magique : une descente au-delà de ce que nous avions imaginé.
L’itinéraire,
exclusivement rocheux, ne laisse aucun repos. Heureusement, le
départ
est progressif. Puis rapidement la difficulté arrive : un
passage
en 5+, suivi de deux couloirs, le deuxième plus délicat
que
le premier (plusieurs pas de 5). Ensuite, une longue traversée
permet
de trouver quelques passages plus faciles. Trois remontées de
quelques
mètres d’escalade facile mais nécessitant l’utilisation
des
mains sont parcourues à pied et non sur le MTT. Ensuite
c’est
"le mur" : nous voici dans le passage clé ! Un piton
trouvé
sur place nous facilite l’assurance. Avec un deuxième point
d’ancrage
sur coinceur, l’utilisation de la corde ne fait plus de doute : nous
sommes
bien dans le domaine du vide et une chute ne nous laisserait aucune
chance.
Un pas de 6, puis
des grandes marches d’escaliers permettent de rejoindre un point sur
lequel
nous effectuerons un relais sur béquet. La verticalité
est
omniprésente. Juché sur une seule roue, le relief prend
une
toute autre dimension ! Un second passage clé nous pose
problème,
chacun tour à tour nous nous y essayons. La montagne ne veut
peut-être
pas nous dévoiler ses secrets ?
A partir d’une terrasse, sans point d’appui de main possible, il faut s‘élancer dans le vide avec, pour seule réception possible, une dalle déversante vers l’avant, autant dire plus qu’incertaine, puisque ce saut jouxte une arête, avec derrière nous le vide ! L’assurance n’est pas des meilleures : il faut laisser juste ce qu'il faut de corde avant la tentative de saut. « Du mou ! … Sec, sec !… Je saute ! … »
En plus,
impossible
pour celui qui assure de voir celui qui se trouve "en-tête".
Finalement
c’est de l’escalade à l'envers… Une troisième longueur
permet
enfin d’atteindre le bas de la face rocheuse. La suite est plus
classique,
bien qu'exposée du fait d'une traversée sur dalles
parsemées
d’éboulis. La fin de la "voie" se déroule sur pierrier
assez
stable jusqu’au Col du Petit Obiou. Plus qu’une cordée, il
fallait
une confiance mutuelle, une véritable amitié, pour venir
à bout de l’ouverture de ces quelques 325 mètres de
dénivelé.
7h30 d’effort ont été nécessaires, de recherche
d’itinéraire,
de la meilleure solution, parfois même de la seule solution que
nous
avait inspiré le passage, mais jusqu’au bout nous avons cru
qu'il
était possible d'y arriver.
Maintenant que
l’itinéraire
est ouvert, il ne reste plus qu’à le répéter...
© 2004 Bouché-Perrin