"Nous sommes en
janvier 1990, j'avoue que je suis surprise : depuis que Thierry a
reçu
son monocycle à Noël, le voilà constamment
juché
sur sa roue. Tout de même, je m'interroge sur cette nouvelle
passion
soudaine. Certes, Thierry est prompt aux passions : après le
vélo,
le ski de fond, le roller, l'escalade, pourquoi pas le monocycle ? Je
ne
me doute pas encore que celle-ci, bien plus que les
précédentes,
va devenir dévorante, s'imposant bientôt comme la seule,
l'unique.
Je connais Thierry, je sais qu'il est persévérant,
à
la limite de l'entêtement, et qu'il ne renoncera pas tant qu'il
n'aura
pas atteint l'objectif fixé. Mais je pense alors que ce ne sera
qu'une "passade", un divertissement provisoire, et que bientôt
cet
objet rejoindra le fond du garage… Jusqu'à ce fameux jour, je me
souviens très bien, c'était un beau dimanche de la fin
janvier.
Nous avions décidé, en guise de promenade dominicale, de
nous rendre dans le massif de la Chartreuse. Thierry avait
emmené
son monocycle et je me demandais un peu pourquoi, car jusqu'à
présent
je ne lui en avais vu faire que sur la route. Après tout, si
ça
lui disait de le porter tout du long sur ce sentier… Arrivés
à
l'Aiguillette de Chalais, notre destination, nous revenons par le
même
sentier, moi à pied et Thierry sur le monocycle. Et là,
j'ai
été forcée de me rendre à l'évidence
: bien sûr, de temps en temps ça ne passait pas, une
racine
d'arbre qui dépasse et paf, c'est le déséquilibre
! Mais dans l'ensemble, je dois dire que j'étais plutôt
épatée
car je ne pensais pas qu'il était possible de rouler avec un tel
engin réduit à sa plus simple expression sur un chemin
aussi
cahoteux. Satisfaits de ces essais, nous nous sommes
arrêtés
au bord du chemin et là, Thierry s'est essayé à
d'autres
types de terrain. Il y avait notamment des talus recouverts de grandes
herbes couchées par la neige et là aussi, surprise,
ça
passait ! A partir de ce jour, je n'ai plus douté, j'ai
encouragé
sincèrement, accueillant chaque nouveau progrès et
m'essayant
à immortaliser en photo certains gestes ou certaines postures.
Deux
mois plus tard, nous mettions le point final à notre premier
projet
d'aventure sportive en monocycle. La suite est une longue histoire…"